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Émilie CHALAS: Présente, plus que jamais.

Après huit années en politique, Émilie Chalas, conseillère municipale de l’opposition, conseillère métropolitaine et ancienne députée est toujours présente au centre de l’échiquier politique grenoblois, avec le recul, la distance et la hauteur que lui confère son expérience des joutes, des combats, tant sur le plan local que national.

Par Sébastien Mittelberger

Comment allez-vous, Émilie Chalas ?

« Je pense que j’ai beaucoup évolué depuis 2017. A la fois dans ma vie personnelle, professionnelle mais également politique. L’âge effectue son travail, les rencontres qui jalonnent une vie permettent un enrichissement intellectuel et émotionnel significatifs. 

Le sondage de mai indique que j’ai toujours une certaine notoriété auprès des Grenoblois et des Grenobloises. J’ai une place dans le panorama politique local.

Ce constat m’incite à commenter, analyser ce que j’observe avec apaisement et légitimité ».

Quels sont ces axes d’observation ?

« A l échelle nationale, j’observe trois mouvements inquiétants. 

Le premier c’est d’abord le constat assez spectaculaire d’une forme de renoncement par rapport au bilan 2017-2022. 

Pour illustrer ce recul, je voudrais donner deux exemples que je connais bien, pour y avoir consacré une partie de mon travail lorsque j’étais députée. Des exemples que j’ai défendu durant mes travaux auprès des commissions à l’Assemblée nationale et qui aujourd’hui sont en passe d’être détricotés, ce qui constituent à mes yeux une rupture, un renoncement politique profond.

Le premier concerne l’écologie. J’ai participé à la commission climat et résilience. A ce titre, j’ai porté l’amendement de l’obligation de solarisation des parkings. Aujourd’hui, les objectifs de cette mesure sont revus à la baisse. Un retrait qui se traduit par un jusqu’auboutisme de Bruno Retailleau sur le moratoire du solaire et des énergies renouvelables. 

La ZFE, le ZAN sont également des mesures sur lesquelles on observe des reculs majeurs. 

Certes, ces deux projets étaient imparfaits, contestés par les élus locaux, les industriels et les habitants. Sans doute fallait-il revisiter nos copies, ajuster, réadapter pour aboutir à des versions finales plus en lien avec la réalité des territoires mais reculer sur l’étalement urbain et préserver les espaces naturels et agricoles, dire qu’il faut faire baisser le nombre de voitures en ville, pousser la transformation technologique des véhicules et des mobilités ;

Tout cela va dans le sens de l’histoire, dans l’esprit du temps. Nous avions et nous avons raison de placer ces curseurs au sommet des préoccupations des citoyens et au-delà des dispositifs qui pouvaient être complexes et des agendas qui pouvaient apparaitre comme tendus, nous ne devions pas renoncer. 

Il en va de même pour les pesticides et les glyphosates. En 2017-2022, j’ai fait partie de ceux qui ont voté contre. Pour finalement observer ce qui passe autour de la loi Duplomb. Là encore, recul, retrait, régression. Renoncement devant des avancées majeures qui font progresser les techniques agricoles ».

Selon vous, quel phénomène est à l’origine de ses reculs ?

Êtes-vous allés trop vite ?

« Sur le fond, et dans l’esprit de la loi, je ne pense pas que nous soyons allés trop vite. En revanche, et ce depuis 2017, le gouvernement a eu beaucoup trop d’arrogance dans la relation aux territoires comme vis-à-vis des élus locaux. Ce constat concerne surtout l’entourage du président de la République qui perçoit mal le rôle et la puissance décisionnelle et d’investissement financier des territoires. Comme si la France n’était pas décentralisée. Or notre pays est extrêmement décentralisé. Et il est impératif de comprendre que les élus locaux sont les relais des politiques publiques qui sont votées au national. Se couper des élus locaux, c’est renoncer à l’application de politiques publiques décidées aux parlements. 

Dans les sphères parisiennes, on entend encore parler de « province », comme si ce mot ne faisait pas partie du passé. Pour autant, Paris est minoritaire et les territoires sont majoritaires, en termes de population, de force politique, de budget d’investissement et de fonctionnement. Et il est nécessaire de rappeler que les responsabilités, le « pouvoir », sont décentralisés. Ce rapport de nombre n’est pas estimé à sa valeur juste et cela a totalement échappé à la Macronie. 

Donc, à vous répondre, sur les sujets cités plus haut et dans l’esprit de la loi, nous étions précurseurs, clairement dans le sens de l’histoire mais la maladresse avec laquelle la relation aux territoires est abordée a généré des freins qui nous amènent à constater ses reculs.

La traduction de la volonté nationale auprès des territoires n’a pas fonctionné. 

La technocratie, même si elle est nécessaire, n’est plus dans l’air du temps. Il faut parvenir à proposer des choses simples, à la portée de tous et surtout applicables par les élus locaux, chevilles opérationnelles de la réussite de la décentralisation. 

Autre exemple, la rénovation énergétique de l’habitat ou là aussi, l’état recule et finira par renoncer alors qu’il y a là un enjeu central, sur l’énergie, sur le droit au logement. Le logement qui, rappelons-le, est le premier poids à peser sur le budget des ménages ». 

Est-ce que tout cela n’est pas dû au fait budgétaire ?

« Cela pose toujours la question, à l’échelle de la France comme à celle de Grenoble et de sa majorité municipale à qui j’en fais régulièrement le reproche. 

Que faisons-nous de l’argent ?

Comment sont fléchées les politiques publiques ?

Comment sont évaluées les politiques publiques ?

Alors que j’étais députée, j’étais rapporteuse du texte sur le sujet brulant du fonctionnement de la fonction publique. Depuis quelques mois, j’entends çà et là le vieux discours sur la diminution du nombre de postes de fonctionnaires. 

Pendant tout mon mandat, je me suis battue pour que change le regard porté sur ce sujet afin que le prisme de l’approche des politiques publiques et de la dépense publique de fonctionnement soient plus axés sur l’efficacité du périmètre que sur le nombre d’agents. 

Grace à des engagements forts, nous étions parvenus à ce que soit abandonné toute forme de baisse du nombre de fonctionnaires et du « fonctionnaire bashing » qui l’entoure.

Au contraire, nous constatons qu’il est de plus en plus difficile de recruter dans le secteur public. En cause, des salaires modestes, un manque total de reconnaissance du travail des fonctionnaires et une absence d’évaluation des politiques publiques qui entraine un manque cruel de sens. Ce mal se vérifie hélas à tous les échelons du mille feuilles politique.

Regardons attentivement le secteur de la santé, celui lié à la sécurité, celui de l’éducation nationale. Chacun et chacune sait qu’il reste tant à faire, à réformer et regardons l’efficacité des politiques publiques en rapport aux budgets attribués ». 

Vous sentez-vous encore totalement en phase avec votre engagement de 2017 ?

« Politiquement, ce bloc central ne représente plus exactement ce que j’attends. 

Depuis 2022, que sont devenues les promesses de 2017, celles qui ont scellé mon engagement au projet macroniste ?

Nous parlions à l’époque d’ascenseur social, d’émancipation par le travail, la place du mérite, de lutte contre la pauvreté. 

Certes, le chômage a diminué.

Certes, on observe des investissements dans le secteur de l’industrie, même si l’emploi dans le domaine industriel demeure perfectible. 

De mon point de vue, depuis le début du deuxième quinquennat, ces promesses nous échappent, ce qui a pour effet de m’interroger sur mon positionnement personnel au sein de ce bloc. 

Pour autant je ne renie rien de mon engagement. Je suis très loyal au président de la République. J’ai défendu des textes avec ardeur et voté parfois avec une conviction moindre. C’est le rôle du député et la loyauté d’une équipe. 

Plus loin, nous devions lutter contre le séparatisme au profit de l’universalisme.

À titre personnel, je pense avoir été très claire au sujet du burkini. Pour autant, je ne suis pas certaine que l’interdiction du voile pour les moins de 15 ans soit un bon levier pour lutter contre les enjeux communautaristes.

Pour ma part, mon positionnement est identique à celui de 2017. Je suis vice-présidente de Territoires de progrès qui est l’aile gauche du macronisme et qui est réduit à son expression la plus rudimentaire. Je suis adhérente à la Convention depuis plusieurs mois, j’ai également adhéré à la Plateforme des Progressistes. Je sais d’où je viens et qui je suis. 

Au départ, nous devions prendre les bonnes idées là où elles se trouvaient. Il semble que depuis 2022, nous les piochons plutôt dans un référentiel qui se trouve à droite. Dans un débat qui s’ethnicise considérablement ».

Le quinquennat 2022 ne doit-il pas faire face à des débats plus orientés vers les enjeux liés aux identités ?

« L’ethnicisation des débats obère un débat politique de qualité. Cela indique que les enjeux sociétaux, sociaux, politiques et économiques ne sont perçus et débattus qu’au travers du prisme de l’identité et en creux de l’origine ethnique, qu’elle soit réelle ou supposée. 

Cela part de la victoire idéologique des partis extrêmes. L’extrême droite bien-sûr, de façon historique mais également par les formations d’extrême gauche. 

L’extrême gauche, à défaut d’une classe ouvrière traditionnelle qui disparait, est obligée de trouver un nouveau corpus électoral. A ce titre, ils appliquent une stratégie de lutte nouvelle avec une lecture racialisée de la société et de l’État. A entendre l’islamophobie d’état, dénoncée par les Insoumis, le privilège blanc, le racisme structurel, autant de vocables récents qui occupent le débat public. Cela provoquant des réunions en non-mixité, du racialisme versus l’universalisme, tout cela à des desseins clientélistes. 

L’extrême droite poursuit sa croisade consistant à dire que la différence constitue une menace et que l’émigration est la cause de tous les maux de la société. 

Si l’extrême droite est plus facile à lire, l’extrême gauche porte la même responsabilité dans l’ethnicisation du débat public.

Tout ça génère un réflexe communautaire qui remet en cause le modèle républicain avec une essentialisation des individus à leur identité raciale alors que la France assume et affirme politiquement et depuis longtemps sa volonté d’abandon du concept de races. Ce qui entraine inévitablement des clashs médiatiques ou la conversation rationnelle est devenue complexe en sapant ce qui devrait faire société, laissant les populismes occuper une partie majeure du débat public. 

Sur ces sujets, l’échec le plus significatif, le nôtre et celui des politiques menées depuis plus de 40 ans concerne l’éducation. L’école de la République doit être profondément réformée avec l’objectif de donner une chance à chacun. L’école doit être au cœur du dispositif pour enseigner les valeurs de la citoyenneté, de la connaissance, du rapport au respect de tous et toutes afin que tous les parents soient en capacité d’espérer une vie meilleure pour leurs enfants ». 

Parlons un peu de Grenoble…

« Je crois en la capacité de Grenoble à être encore plus rayonnante et intéressante que ce qu’elle montre aujourd’hui. 

En 2014, lorsqu’Éric Piolle a été élu et bien que ça ne n’était pas mon choix originel, j’ai néanmoins salué cette victoire. 

Plus de 10 ans plus tard, le constat est amer. Les Grenoblois ayant eu moins d’écologie que d’extrême gauche, équipée de son cortège de dogmatisme. Avec au surplus, cette gestion délirante de l’argent public qui mène Grenoble à un niveau d’endettement jamais atteint. 

Fiscalité galopante, budget de fonctionnement presqu’hors de contrôle.

Depuis le mois de septembre 2024, chacun sait que j’ai consulté beaucoup de monde en dehors des extrêmes. Plus encore, j’observe la température auprès de la population. 

De cette attention auprès des Grenoblois, j’observe plusieurs choses.

Si, selon un récent sondage IPSOS, 66% des Grenoblois sondés désirent un changement de gouvernance, deux tiers de ces mêmes sondés sont satisfaits sur certaines thématiques, ce qui impose une analyse subtile.

Les Grenoblois nous disent aussi qu’ils souhaitent que les démarches personnelles ou partisanes ne prennent pas le pas sur l’intérêt général.

Il faut entendre qu’au-delà des clivages et des courants de pensées, des choses ont fonctionné lors de ces eux mandats, au point de contenter une partie significative de la population et que les clivages sophistiqués ne sont pas toujours audibles par la population. 

Pour ma part, je reste attentive et je continue d’alimenter le dialogue avec les uns et les autres. Au reste, je suis heureuse de constater que beaucoup de candidats et de candidates sont prêts à s’engager pour Grenoble, tous et toutes avec leurs idées, leurs convictions et un engagement incontestable ».

Quelle sera votre ambition personnelle pour cette échéance électorale ? 

« A ce moment précis, il n’est pas inutile d’avoir à l’esprit deux points.

L’art de la politique se construit avec des compromis et des alliances. Il est bien rare de gagner seul et plus le socle s’élargit, plus nous serons en capacité de répondre aux attentes des habitants. 

Le deuxième consiste à accepter que cette élection ne soit pas l’enjeu d’un égo personnel. Nos destins individuels ne rentrent pas en ligne de compte. 

Pour cette échéance 2026, je reste fidèle à ma volonté évoquée il y a quelques mois. Celle de rassembler les centres et à ce titre, je suis totalement prête à mettre mon destin personnel de côté au bénéfice d’un rassemblement qui transcenderait les étiquettes politiques. Soyons d’abord dans cette volonté dans un premier temps fédératrice, puis programmatique. Le temps de l’incarnation viendra ensuite, naturellement. 

Cette proposition d’une gauche progressiste s’alliant avec le centre droit me semble impérative pour parvenir à faire basculer Grenoble sans jamais oublier de consolider l’échelon métropolitain ».

Selon vous, quels seraient les contours de ce rassemblement ?

Ce bénéfice est la seule trajectoire qui doit guider notre démarche, tant à Grenoble que pour la Métropole

Émilie Chalas

« Ce rassemblement, je l’imagine de tous mes vœux d’Amandine Germain à Hervé Gerbi. Car je ne peux ni ne veux croire que le Parti socialiste va encore se perdre avec les Insoumis. Je n’imagine pas que l’électorat social-démocrate souhaite d’un PS lié à LFI. 

Car finalement, à l’intérieur de ce rassemblement, il est certain que nous tous avons plus d’accords que de désaccords et il est grand temps de fédérer nos forces afin que ce projet commun, universaliste, progressiste, social-démocrate, puisse bénéficier aux Grenobloises et aux Grenoblois. 

Ce bénéfice est la seule trajectoire qui doit guider notre démarche, tant à Grenoble que pour la Métropole ». 

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