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CULTURE CLUB

Pascal Clouaire, vice-président pour Grenoble Alpes Métropole, en charge de la culture, se livre sur les questions qui impliquent le périmètre culturel métropolitain, pour ce qui est et ce qui vient et dessine ainsi ce que sera la place de la culture au sein de la métropole avec la profondeur de pensée nécessaire à ceux qui poursuivent et finissent par rattraper l’esprit du temps.

Par Sébastien Mittelberger

Pascal Clouaire, qu’est-ce qu’un équipement culturel d’intérêt métropolitain ?

Ce sont des équipements dont l’usage et le public cible dépassent significativement ceux de la commune. Et il y a dans la métropole un certain nombre d’équipements qui sont dans cette logique là et ont vocation à avoir un périmètre de gouvernance qui correspond au périmètre d’usage. C’est dans cette volonté, dans cette ambition que doit s’inscrire la dimension métropolitaine : le périmètre de gouvernance et celui de l’usage. 

C’est un travail qui est en cours et qui doit se poursuivre et la Ville de Grenoble, en sa qualité de ville centre doit donner une impulsion et être à ce rendez-vous d’exemple. Ce qu’elle n’a pas du tout fait jusque-là, dans ce mandat. 

Pourquoi la ville de Grenoble n’a pas joué le jeu selon vous 

Parce que le maire de Grenoble a souhaité conserver une prérogative sur ses équipements alors que nombre d’équipements situé à Grenoble ont été identifié par une délibération datant de 2015 comme étant d’intérêt métropolitain faisant fi d’une vision métropolitaine de la question culturelle. 

Quelles sont les principales missions de Grenoble Alpes Métropole dans cette compétence culturelle ? 

Une des premières missions de la métropole en matière culturelle est la gestion des grands équipements comme entre autres la MC2, l’Hexagone, le Centre Chorégraphique ou encore Cosmocité. C’est compétence assez nouvelle pour la métropole, enrichissante au quotidien et qui relève de nombreux défis. 

Une autre de ces missions consiste à assurer le transfert d’équipements culturels jusque-là municipaux vers l’échelon métropolitain. Le sujet des villes en transition se compose aussi de cette transition-là. Et elle est majeure, conformément à ce que l’on peut observer dans de nombreuses autres métropoles et par le biais de réflexions menées par de nombreux experts en ce domaine. 

Il y aura donc cet objectif, sur la fin de ce mandat et dans le prochain de compléter le transfert de nombreux équipements qui relèvent à l’évidence de la compétence métropolitaine. 

Je pense par exemple, sur la culture scientifique et technique, au Muséum d’Histoire Naturelle de Grenoble qui est selon moi très isolé mais également à la Casemate et la Casemate hors les murs qui coordonnent la fête de la science.

C’est également le cas du Centre National d’Art Contemporain, détenteur d’un label national et qui est uniquement rattaché à Grenoble alors que son rayonnement dépasse largement la ville de Grenoble 

On peut évoquer L’école Nationale d’Art et de Design qui est métropolitaine par essence. 

Le musée de Peinture et le conservatoire de musique sont aussi dans ce cas, naturellement métropolitains. A l’évidence, le public de tous ces équipements est métropolitain alors pourquoi le fonctionnement de ces équipements serait uniquement à la charge des Grenoblois. 

Et en dehors de Grenoble, sur le territoire métropolitain ?

Ce constat concerne bien évidemment des équipements et des événements qui sont en dehors de Grenoble comme le musée de la Chimie à Jarrie. En dehors des musées, il est bien-entendu question de l’esthétique de la danse, de l’art du corps en mouvements dans le spectacle vivant. La Rampe à Échirolles, grand équipement et scène conventionnée, le centre chorégraphique, le festival du mouvement à Jarrie, le Pacifique, lieu d’expression de la danse et centre de développement chorégraphique national (CDCN), le Théâtre municipal de Grenoble qui propose des choses intéressantes au sujet de la danse, le Hip hop Never Stop de Saint-Martin d’Hères, les cultures urbaines, à Echirolles à Pont-de-Claix, donc des équipements mais aussi des projets. 

Dans cette dynamique, je cite Vif, Echirolles, Grenoble, Saint Martin d’Hères, des équipements municipaux, des EPCC, des événements, tout cela sur une esthétique et avec un souhait que tous ces acteurs de la culture puissent se rencontrer et travailler ensemble sur une proposition commune et donc, métropolitaine. 

Comment est organisé le service culture de Grenoble Alpes Métropole ?

C’est une petite équipe de moins de 10 personnes qui œuvre sous la direction de Béatrice Caroubier avec une répartition des tâches et des missions telles que la gestion des grands équipements ou encore ces dix jours de la culture. Mais cela reste une équipe et des moyens restreints quand on sait l’ampleur de la tâche ne serait-ce qu’en ne tenant compte que du périmètre métropolitain…

Les Dix jours de la culture ont vécu leurs 7° édition, quel bilan en tirez-vous ?

C’est à l’évidence un succès. Pour cette septième édition, la métropole a proposé plus de 80 spectacles sur 40 communes pendant un plus de 10 jours. 

Cet événement a su démontrer l’importance de son rôle de coordination de l’action culturelle intercommunale et cette mission s’exprime parfaitement lors de ces 10 jours de la culture. Par exemple, nous aidons les petites communes, avec un accompagnement en terme de financement à la hauteur de 70%. Notons aussi l’apport du SMMAG, qui avec son dispositif M Covoit ’ Culture, a permis de faciliter la mobilité à toutes et tous et de profiter ainsi des spectacles en transports en commun, y compris dans des lieux difficiles avec un système de covoiturage totalement gratuit. 

Quelle ambition avez-vous pour la prochaine édition ?

Jusque-là, ces 10 jours de la culture sont un événement, coordonné par les services de la Métropole mais notre ambition est de transformer cet événement à la dimension de festival avec une vraie direction qui réfléchira tant sur la programmation que sur l’organisation en s’associant d’ailleurs avec un artiste dans une volonté profonde d’intention artistique. 

Quel regard portez-vous sur la baisse des dotations provenant de l’État ?

A l’échelon métropolitain, nous avons baissé cette année les subventions de la culture de 5% y a -alors que nous les avions augmentés d’autant sur l’exercice 2024 afin de faire face à l’inflation. Observons que sur le mandat en cours, le budget métropolitain dédié à la culture a progressé à hauteur de 30%, ce qui a participé à épargner l’ensemble des acteurs culturels de notre territoire. Il est important de souligner que la Métropole a procédé à une augmentation de 30% du budget consacré à la culture, qui était de 7,2 Millions d’euros à notre arrivée et que nous avons porté à 9,3 millions d’euros. 

Mais oui, la baisse de dotation de l’État représente 15 millions d’euros pour 2025. Et cela demande de procéder à des choix, des arbitrages, tout en ayant le soin de maintenir le lien et une forme d’équilibre le plus juste possible entre les acteurs culturels.

Le budget consacré à la culture sera-t-il en hausse lors du prochain mandat ?

La perspective de budget que vous évoquez n’évoluera pas automatiquement. Il évoluera à partir du moment où les communes décideront que ce budget devra grossir. Il faut poursuivre cette mission d’évangélisation auprès des communes afin qu’elles jouent le jeu métropolitain tout en conservant l’identité communale de leur équipement. 

Durant ce mandat, encore en cours, quelles sont les réalisations dont vous êtes le plus fier ?

L’ouverture de Cosmocité. Parce que cet équipement renforce la culture scientifique qui est un des piliers de la culture de notre territoire. Rappelons ici que le premier Centre Culturel Scientifique et Technique est né à Grenoble en 1979 qui d’ailleurs avait déjà, à cette époque une dimension métropolitaine puisqu’elle était universitaire. 

Puis bien-sur les 10 jours de la culture, qui permettent de consolider et de stabiliser un événement dans le temps long et qui est une véritable animation intercommunale. 

Enfin, nous sommes très fiers d’avoir ouvert la voie de la réflexion menée avec les acteurs culturels, à l’heure des transitions, s’inscrivant dans une époque où nous traversons des changements sociétaux majeurs. Avec ce constat que ces actrices et ces acteurs ont des choses à nous dire sur ce temps qui est et qui vient. 

Dans ce cadre, nous avons choisi de les réunir sur un séminaire qui s’est inscrit sur une année, de manière discrète, venus de toute la France et qui nous ont accompagné à charpenter une politique culturelle qui sera à reprendre plus tard afin de dessiner les grandes lignes de la relation entre ceux et celles qui font la culture et les personnalités politiques en responsabilité. 

Grenoble et plus largement la métropole, est historiquement un territoire qui propose une offre culturelle de premier plan. Sans doute bien plus que d’autres territoires. Cette proposition culturelle foisonnante relève principalement d’une énergie exceptionnelle. 

Il s’agit aussi d’un patrimoine immatériel qui réunit des savoir-faire, des pratiques, des expressions extrêmement riches et variées amplifiées par une tradition locale qui est forcément à prendre en compte par les logiques politiques.

En cela la métropole grenobloise est un laboratoire intellectuel et un lieu d’émancipation de la personne qui se matérialise par l’énergie artistique. 

Cette émancipation oblige la sphère politique à faire confiance aux acteurs culturels ce qui s’oppose à la municipalisation de l’action culturelle qui limite, de facto toute forme d’émancipation. Le politique doit être un pôle facilitateur de cette émancipation et garant de cette confiance. 

La résistance, l’héritage de Malraux ?

Plus encore, citer Deleuze n’est pas inutile. « La culture est un acte de résistance » et Grenoble est une terre de résistance que nous devons continuer de cultiver et d’enrichir.

Une résistance face à la standardisation, face à la surinformation et en creux à la désinformation, face aux faits qui peuvent se séparer de la vérité. Mais aussi une résistance face au phénomène d’accélération. Grenoble doit être ce territoire qui cultive l’art de la résistance. 

Grenoble, capitale européenne de la culture ?

Cela signifie que Grenoble a la capacité de devenir capitale culturelle européenne. Et c’est un objectif à atteindre. Et nous ferons tout pour parvenir à ce résultat. 

Grenoble doit avoir cette ambition de construire un immense projet culturel qui engagerait l’ensemble des acteurs culturels du bassin grenoblois mais aussi tout ce que notre territoire compte d’intellectuels, de communes, d’acteurs de la filière scientifique et technique, le milieu industriel qui a tant de témoignages à apporter, cet ensemble associé pour créer une dynamique fertile, bienveillante et respectueuse entre les populations, les politiques et le monde culturel. 

Car ça n’est pas forcément au politique de faire des propositions et d’intervenir dans le champ culturel mais il peut être le catalyseur des énergies qui stimulera les acteurs et les équipements du territoire. 

La culture est un acte de résistance

Gilles Deleuze

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