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CLARA BEGOT: GRAND CRU GRENOBLOIS.

A la tête des caves Micand, institution Grenobloise ouverte en 1897 et trésorière de l’association Labelville, Clara Begot livre ses impressions sur le commerce, les mobilités, la prise en compte des évolutions des comportements des clientèles et clame surtout son amour inconditionnel pour le centre-ville de Grenoble.

Par Sébastien Mittelberger

Comment allez-vous ?

C.B. « Je vais très bien ! Même en ces temps troublés ou le commerce n’est pas au mieux de sa forme, il faut tenir le cap et redoubler d’énergie. Exploiter un commerce est toujours une tâche ardue. On travaille pour soi. Il faut donc se challenger en permanence. Depuis quelques années on entend partout qu’il faut se réinventer. Être commerçant, c’est se réinventer chaque jour, veiller à l’excellence de sa prestation, à la diversité de l’offre, à la qualité de l’accueil et Il faut faire face à beaucoup de paramètres extérieurs comme notamment la concurrence, de plus en plus galopante. Observons que notre corporation compte 4 cavistes et 12 revendeurs de vins entre la place du docteur Léon Martin et le boulevard Jean Pain. Ce qui correspond à un revendeur de vin tous les 20 mètres sur ce périmètre ». 

Le commerce, dans son ensemble, est-il en mutation ?

C.B. « La crise sanitaire a considérablement modifié les comportements liés à la consommation. Depuis la COVID, les achats internet ont connu un essor significatif. Nous nous sommes bien-sûr adaptés à cette nouvelle donne. Toutefois, le e-commerce, même s’il comporte des solutions de facilité, n’est pas la solution à tout et ne représente pas forcément l’avenir du commerce de proximité. Pour exemple, Amazone annonce licencier 10% de son personnel administratif et pour preuve, une grande marque de fast fashion tente de s’installer sous la forme d’un espace de vente dans les locaux d’une grande enseigne grenobloise. Encore une fois, les commerçants ont l’obligation quotidienne de s’adapter à leurs clientèles. Certes, Grenoble pourrait être plus propre, certes, il y a des problèmes de sécurité, oui, il y a une baisse de fréquentation au centre-ville. Ces problèmes ne sont pas liés uniquement à Grenoble. Partout en France, on rencontre des contraintes de ce type. Plus encore, les clients recherchent de l’ultra proximité en faisant leurs achats dans un périmètre de cinq minutes à pied. A nous d’être à la hauteur de leurs attentes ». 

Grenoble est une ville attractive. Il est important de le dire

Clara BEGOT

Selon vous, l’offre commerçante grenobloise reste attractive ?

C.B. « La ville de Grenoble demeure attractive. Il est important de le dire. Certes, l’ouverture de NEYRPIC et les évolutions portées à Grand Place sont à prendre en compte, ces deux centres commerciaux, par leurs proximités immédiates, prennent le centre-ville en étau. Des grandes surfaces qui ont eu à cœur de copier ce qui se faisait déjà en centre-ville avec des commerces de bouche, de restauration et de prêt à porter. Mais le centre-ville est et reste le premier centre commercial à ciel ouvert. 

Des événements comme la Belle Braderie ou la Descente des Alpages sont des moments forts de la vie de notre centre-ville. Ils rencontrent chaque année un succès considérable, preuve que quand le tissu économique se mobilise, les gens sont au rendez-vous et que la baisse de fréquentation que l’on peut observer n’est pas une fatalité et peut trouver des solutions dès lors que nous sommes en capacité d’être force de proposition. 

Les commerçants doivent s’impliquer plus encore dans l’organisation de ces événements même si l’association LABELVILLE effectue un travail remarquable, elle pourrait être bien plus soutenue que ce qu’elle l’est aujourd’hui. Labelville est une association de commerçants pour les commerçants. Elle est également une courroie de transmission indispensable entre le commerce et la Métropole ou la ville de Grenoble. Le commerçant est individualiste par nature et doit, afin de faire face aux enjeux de notre temps, s’impliquer dans une démarche plus collective ». 

Vous militez pour un meilleur équilibre des flux de circulation ?

C.B. « Nous avons besoin d’atteindre toutes les populations, et ce, quels que soient les modes de mobilités qu’ils utilisent. Les politiques de mobilités douces sont globalement positives et nous devons les prendre en compte. Pour autant cette prise en compte demande une adaptation plus fine de la part des commerçants. Me concernant, j’ai mis en place un système de livraison par mes équipes. Avec un véhicule dédié mais également avec un service de livraison cycliste externalisé, vie un prestataire, en mesure de livrer nos produits à nos clients jusqu’à Montbonnot. Cela fonctionne au-delà de la relation client puisque de plus en plus, je réceptionne des marchandises via des fournisseurs équipés de vélos. Pour autant, la voiture doit conserver sa place dans l’espace public. Les mobilités douces, bien qu’incontournables, ne doivent pas intégralement remplacer l’usage automobile, certains clients ne pouvant pas utiliser d’autres moyens de déplacement pour faire leurs achats, notamment ceux qui demeurent sur l’agglomération mais en dehors de Grenoble.

Pour cela, nous proposons d’améliorer la signalétique piétonne, de repenser les zones de livraison, de renforcer les parkings-relais et d’élaborer des solutions de micro-logistique pour faciliter les achats ».

Vous proposez une attractivité renforcée par l’expérience client ?

 C.B. « La clientèle est friande d’expériences. Nous le constatons très régulièrement. Pour exemple, les Caves Micand vont proposer des apéros Micand, deux fois par mois avec des thématiques afin de faire découvrir nos gammes et nos savoir-faire. Cela peut également prendre la forme de soirées raclettes ou fondues.  Nous avons lancé, il y a un peu moins de deux ans, des dégustations le samedi, deux fois par mois, de 10H30 à 13H afin de faire découvrir nos produits. Face à la demande, ces moments de découvertes sont devenus hebdomadaires. De la même manière, nous proposerons, les trois dimanches avant Noel, des apéritifs huitres et vins blancs. Tout cela participe à l’attractivité du commerce. Le nôtre mais également pour les autres commerces, par effet de ruissellementJe pense également qu’il est nécessaire d’améliorer la lisibilité de l’offre commerçante et patrimoniale de Grenoble. Grenoble est une belle ville. Je trouve que ce point n’est pas suffisamment mis en avant. Pour l’édition 2024 de la Belle Braderie, Labelville s’était rapproché de l’Office du Tourisme et de Grenoble Alpes et ensemble, nous avons créé un parcours touristique, permettant de découvrir des entrées d’immeubles, des portes cochères magnifiques. Je pense qu’il est primordial de valoriser ces thématiques et de favoriser une communication collective en développant des outils numériques adaptés et performants »

Il faut également et enfin tisser une véritable relation, concrète et durable, un dialogue permanent entre habitants, commerçants et collectivités ».

Clara BEGOT

Pour toutes ces initiatives, les collectivités peuvent nous aider. La ville de Grenoble, la Métropole, Grenoble Alpes, toutes ces instances et ces structures peuvent nous accompagner dans notre volonté de développer l’expérience client. Sur des temps forts, sur la création de nocturnes allant de 19H à 21H, sur la gratuité des transports, ponctuellement ou celles de parkings ou du stationnement. Autant de signes qui montreraient l’engagement des pouvoirs publics auprès des commerçant ». 

Mieux articuler commerce et urbanisme, pour un meilleur cadre de vie ?

C.B. « Oui car le commerce ne peut prospérer que dans un cadre de vie équilibré et apaisé. Le centre-ville est le poumon de l’attractivité d’une commune. Ici, nous avons des enseignes majeures qui participent aux flux des populations. Je pense à la FNAC, à King Jouet, aux Galeries Lafayette, Nespresso et bien d’autres. Selon une étude réalisée il y a quelques années par un spécialiste des centres-villes et des centres-bourgs, les commerces seraient ouverts seulement 30% du temps ou les consommateurs souhaiteraient consommer. En d’autres termes, l’amplitude horaire d’ouvertures des commerces correspond mal aux possibilités durant lesquelles les consommateurs peuvent consommer. À la suite de la restitution de cette étude, nous avons modifié les plages d’ouvertures de notre commerce. En ouvrant plus souvent entre midi et quatorze heures, en restant ouvert plus tard sur le temps du repas, 12H30 au lieu de 12H mais également un peu plus tard le soir, passant de 19H à 19H30. Des créneaux horaires qui semblent infimes mais sur lesquels nous constatons une hausse significative de fréquentation. Nous avons pu observer le succès réalisé par l’animation « chaque vendredi est une fête », un partenariat entre Labelville et l’Umih avec des commerces ouverts jusqu’à 21H. Pour cela bien-sûr il faut que toutes les parties concernées jouent le jeu. En creux, que les rues soient éclairées et qu’on s’y sente en sécurité.  Pour cela, je crois fermement qu’il faut poursuivre la végétalisation et l’aménagement des espaces publics. De la même façon, il faut encourager les initiatives de mixité des usages et créer un lien fort entre l‘habitat, la culture, les loisirs et le monde du travail. Il faut également et enfin tisser une véritable relation, concrète et durable, un dialogue permanent entre habitants, commerçants et collectivités ». 

Quelles sont les émotions que votre métier vous procure ?

C.B. « Je suis amoureuse du centre-ville. Je me sens totalement en symbiose avec mon territoire et avec mon activité. J’avais 9 ans quand mes parents ont repris ce commerce et aujourd’hui, c’est ma fille que j’entends rire dans ce même lieu où je riais, lorsque j’étais enfant. Cette transmission n’a pas de prix ». 

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