Être maire, est-ce un sacerdoce ?
Oui, assurément. Vient d’abord la question de savoir si on est fait pour cela ou pas. Ensuite, c’est un travail colossal. Mon attachement à Claix est historique. J’y suis né, mes parents s’y sont installés, mes grands-parents les ont rejoints. Dans mon cas personnel, j’y réfléchis depuis l’adolescence. J’ai le souvenir que dès onze ans, je faisais la une du bulletin municipal. Je descendais à pied de mon hameau pour participer aux commémorations, aux moments forts du village. Dès lors, j’ai exprimé mon souhait d’exercer un jour des responsabilités dans cette commune dans laquelle j’ai eu une très belle enfance et mon souhait était que les générations actuelles et futures puissent vivre ici dans la même cadre et avec les mêmes chances que celles dont j’ai bénéficié.
Etre maire est une fonction plus complexe que par le passé ?
Dans les années 80 et 90, les maires étaient des bâtisseurs. Aujourd’hui nous sommes davantage des gestionnaires et des animateurs de nos territoires. En cela, la mission du maire a vraiment changé. S’ajoute à cela le contexte des transferts des compétences liés à la décentralisation mais également à l’inflation des textes et des contraintes règlementaires et budgétaires qui sont également de plus en plus prégnantes.
Tout cela fait que le pouvoir du maire est de plus en plus limité. De mon point de vue, la plus grande menace qui pèse sur notre fonction de maire est que ces contextes nous enlèvent progressivement le pouvoir d’agir. Il est difficile d’être un élu local sans ce pouvoir d’action.
Pourtant le modèle français : clocher-mairie, fonctionne.
C’est en effet le véritable paradoxe. Chacun est attaché à la proximité. La crise sanitaire l’a démontré. Les communes ont été les premières actrices à lutter efficacement contre la pandémie. Il a fallu trouver des masques, installer des centres de vaccination, améliorer le portage de repas mais parallèlement et paradoxalement tout est fait pour déconnecter les maires de leur pouvoir à agir.
On parle beaucoup du couple maire-préfet. Je rencontre régulièrement les préfets et leurs services mais c’est toujours pour évoquer les injonctions de l’état. En matière d’aménagement du territoire, de développement durable mais quand je demande ce que l’État met dans la balance et termes de ressources, je n’obtiens pas de réponse.
Au reste, l’intercommunalité et la loi NOTRe qui avait pour objectif de faciliter le mille-feuille et la seule feuille qui a été attaquée c’est la commune, échelon à laquelle les administrés sont le plus attaché. D’autant qu’avec ces nouvelles configurations, nous n’avons pas fait un centime d’économie et nous n’avons pas augmenté notre réactivité sur le terrain.
Alors nous avons créé de superbes intercommunalités, de belles métropoles dont la première préoccupation a été de rediviser le territoire en secteurs pour pouvoir être en proximité. La visibilité concrète reste l’échelon communal et c’est dans ce découpage que les administrés conservent un véritable sentiment de proximité.
Et le fait que le nombre de nos communes soit une particularité en Europe est une exception culturelle à laquelle il faut tenir.
Selon vous, l’échelon intercommunal fonctionne-t-il ?
Cela dépend de beaucoup de paramètres. Notamment de la taille de l’intercommunalité et du découpage politique. Quand l’intercommunalité est une instance de projet et de territoire, cela fonctionne parfaitement. Il faut également tenir compte de la répartition des compétences telles que l’eau, l’assainissement ou encore la collecte des déchets qui sont des compétences transversales qui fonctionnent remarquablement bien puisque par nature, ce sont des actions qui sont intercommunales. C’est moins vrai pour des fonctions comme l’urbanisme ou l’entretien des routes et des chemins qui nécessitent une parfaite connaissance du terrain et dont les actions doivent se régler à l’échelon communal.
Politiquement, j’ai toujours plaidé pour que le projet de territoire fasse fi des écuries politiques des uns et des autres et je trouve dommage d’être prisonnier de ces tiraillements politiciens. Le seul pouvoir qui vaille quelque-chose, c’est bien le pouvoir d’agir. D’agir auprès des gens, de ses administrés.
Mais comment s’exonérer de l’impact politique ?
Quand nous parlons de développement économique, de logement, de développement durable, est-il nécessaire d’avoir une approche politicienne qui forcément induit la force des clivages alors que ces sujets sont très transversaux et ces projets sont ceux du bon sens. Et j’aime dire que mon seul parti politique, c’est justement le bon sens.
Pour exemple, nous avions un PLU que bien sur nous avons adapté en conformité au PLUI de la Métropole. Toutefois, quand nous réalisons un Plan de Protection des Espaces Naturels et Agricoles, il est nécessaire de revenir à une échelle très locale et pour y parvenir, nous travaillons avec quelques communes de façon à pouvoir sanctuariser des espaces agricoles.
Vivre à Claix, un village à la Giono ?
Claix est une commune de 8200 habitants. Ce qui en fait une grande commune et une des plus étendue de toute la Métropole, avec un nombre important de petits hameaux qui ont tous leurs identités et un cœur de village qui maintient son rôle de centre bourg avec son église, sa place avec son kiosque à musique et de plus en plus de commerces de proximité qui renforcent ce sentiment chaleureux et convivial.
D’ailleurs, c’est tout le projet de ce mandat : faire en sorte que Claix grandisse tout en conservant cette âme de village. Cela se traduit par ; des services, par des commerces et par du lien social. C’est pour ces raisons que nous avons refait la place du village autour du kiosque à musique, que nous nous sommes battus pour remettre un restaurant au cœur du village et que nous continuons de nous battre pour trouver un porteur de projet pour installer une épicerie en centre bourg.
Ce projet passe également par le soutien de nos associations, près d’une centaine. C’est de cette façon qu’on maintient du service public de proximité notamment en reprenant l’agence postale, tous ces lieux étant propices aux rencontres et aux échanges.
Au-delà de bâtir, l’essentiel de la vie d’une commune, c’est le service… au service du public.
Ceux qui illustre le mieux ce service public sont les agents. Ceux qui travaillent dans les écoles, le périscolaire, les espaces verts ou encore la bibliothèque ou à la propreté urbaine, à l’état civil, à l’agence postale communale, tous sont au service des habitants. Nous avons la chance à Claix d’avoir des agents qui sont véritablement et pleinement dans leurs missions.
Quelle place prend la transition énergétique dans votre mandat ?
Bien avant la vague écolo, dès les années 80, Claix a signé la charte des mille communes européennes pour l’environnement. Ce qui exprime que depuis une quarantaine d’année, nous avons sur Claix, le souci de l’environnement.
Le grand défi d’un maire actuel reste l’aménagement d’un territoire et nous avons toujours eu une avancée équilibrée entre les aménagements pour l’économie, les aménagements pour l’habitat et les aménagements pour le maintien de la nature et des espaces naturels.
Pour illustrer cette préoccupation, trois ENS (Espaces Naturels Sensibles) dont un qui est une véritable innovation en collaboration avec le Parc Naturel Régional du Vercors et toutes les communes concernées sur les falaises du Vercors qui seront protégées par cet ENS.
Quelles sont les émotions qui peuplent encore votre quotidien de maire ?
Le mandat de maire reste le plus beau des mandats. On est maire vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C’est effectivement un ascenseur émotionnel permanent. La première émotion survient quand on vous passe l’écharpe tricolore sur l’épaule. Le poids de la responsabilité est immédiatement présent. Les émotions vont du bonheur de célébrer les mariages, les pacs, celui d’installer le conseil municipal des enfants et de voir avec quel sérieux ils s’impliquent dans leurs tâches.
Mais être maire et chacun et chacune le sais, c’est aussi accompagner les familles dans les moments difficiles, douloureux. Parfois il faut accompagner la gendarmerie pour procéder à des constats de mort violente. Nous ne sommes pas formés à ce type de situation et c’est un véritable choc, un choc personnel.
On sent parfois une lassitude chez certains maires.
Je suis maire de Claix depuis cinq années, donc je ne ressens aucune lassitude. Au contraire, notre projet de mandat s’étale sur deux ou trois mandats. Faire vivre et réécrire le cœur du village, s’occuper pleinement de bâtiments vieillissants et qu’il faut rendre performants sur le plan énergétique et les rendre plus irréprochables que vertueux. Je pense à nos écoles, à nos salles des fêtes, nos gymnases.
J’ose le dire, je me projette déjà dans l’action pour le prochain mandat.
Pour mener à bien tous ces projets, je pense qu’il faut une certaine continuité. Les ruptures dans la gestion d’une commune sont à mon sens défavorables à la bonne conduite des projets. Je suis d’autant plus à l’aise pour le dire que mes pas se sont glissés dans les pas de mon prédécesseur qui pendant trente ans a parfaitement su aménager notre territoire et c’est certainement ce qui fait l’attractivité de notre commune.
Les relations avec la Métropole sont-elles efficaces ?
Le travail de partenariat avec la Métropole est important même si sur certains sujets il y a bien-sûr des marges d’amélioration. Avec des chantiers ambitieux comme la requalification de l’avenue de la Libération ou encore la création d’une passerelle sur le Drac avec le SMMAG et la Métropole.
Aujourd’hui les déplacements sont un sujet majeur avec la sécurisation des déplacements, le partage des espaces. Tous ces sujets sont longs et difficiles à mettre en œuvre et souvent très techniques, multi partenariaux dans une commune ou le foncier est rare.
La sécurité est-elle un sujet majeur à Claix ?
Depuis plusieurs années nous investissons beaucoup sur la sécurité car je pars du principe que la sécurité est la première des libertés même dans une commune qui est plutôt épargnée par la délinquance et les incivilités, il est nécessaire de maintenir une pression permanente pour que notre commune reste durablement calme et apaisée.
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