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Amandine GERMAIN: LE GOUT DES AUTRES.

Conseillère départementale du canton Grenoble 4 depuis 2011, présidente au département du groupe Union de la gauche écologiste et solidaire (UGES), membre des instances fédérales et cheffe de file du Parti Socialiste pour les prochaines élections municipales à Grenoble, Amandine Germain nous éclaire sur son parcours de femme engagée.

Par Sébastien Mittelberger

Amandine Germain est née à Grenoble, quelques jours après l’accession de François Mitterrand à la présidence de la République, en mai 1981. Déjà tout un symbole. Sa famille est originaire de la Drôme, celle des Collines, proche de Romans-sur-Isère. Des parents à l’extraction sociale simple. Ni pauvres, ni aisés, jardiniers, agriculteurs, mécaniciens. Des métiers respectés et respectables, utiles, à une époque où les clivages sociaux n’étaient sans doute pas si exacerbés qu’aujourd’hui. A la fin des années 70, à la faveur d’opportunités professionnelles et sans doute avec l’envie de découvrir autre chose, la famille Germain vient s’installer à Grenoble. Plus précisément à Échirolles, dans le quartier de la Luire. 

A.G « C’est un quartier que j’ai adoré. À cette époque nous vivions tous ensemble, dans la diversité, avec des communautés turques, portugaises. La solidarité de voisinage était très forte alors que déjà cette époque-là, il y avait des problèmes de délinquance, de narcotrafic, sans doute moins prégnant que ce qui se passe aujourd’hui mais je me suis toujours senti bien dans cet endroit-là ».

Les premières traces du chemin qui constituera plus tard son parcours se dessinaient là. Dans ce quartier qui la voyait grandir et qu’elle regardait vivre. Plus tard, la famille Germain s’installera à Saint Martin d’Hères. Amandine Germain poursuivra ses études secondaires au Lycée Pablo Neruda.

A.G « Cette jeunesse passée dans un milieu populaire m’enrichissait.

Ce que j’entrevoyais de la France était là, sous mes yeux.

Amandine Germain

Ce que j’entrevoyais de la France était là, sous mes yeux.  Avec cette entraide, cette solidarité. Avec des gens qui provenaient de nombreux endroits du monde sans que se pose la question du communautarisme, de l’identité. Bien qu’adolescente, j’avais conscience que c’est à des endroits comme celui-là que nous sommes en capacité d’inventer des choses que l’on ne trouve pas ailleurs Dans ces quartiers, tout le monde est attentif aux autres.

Je pense qu’on a moins besoin de solidarité et d’entraide quand on vit dans des quartiers plus privilégiés, moins exposés

J’avais déjà l’esprit cette question de l’émancipation et de savoir comment on donne à chacun la possibilité de s’extraire de sa condition sociale. Comment peut-on être suffisamment libre pour devenir, dans la vie, ce que l’on souhaite être. Cette liberté passe forcément par l’égalité et quand on n’a pas tous les mêmes chances dans la vie, il est difficile d’accéder à cette liberté ».

A.G « Dès la fin des années lycée, je sais que j’ai cette inclinaison pour l’engagement public. Déjà, je m’interroge sur les questions du vivre ensemble, de faire communauté. Comment on construit ensemble quelque chose de plus juste. Selon moi, la chose publique appartient à tout le monde et tout le monde a sa place pour influer sur cette chose publique. Les questions de justice, sociale, économique, culturelle, arrive très vite dans mon parcours. 

J’avais cette chance de savoir que je voulais consacrer ma vie professionnelle à exercer au plus proche des intérêts des communautés, du collectif. 

Cet engagement prend aussi et peut-être surtout ses racines dans l’histoire familiale. 

Mon grand-père, Lucien Giraud, agriculteur, était maire du village de Charmes sur l’Herbasse (1969-1977). Il était membre du Parti Socialiste. Nous avions beaucoup de conversations sur l’engagement public, sur la politique. Mon grand-père a beaucoup participé à forger mon parcours. Il a été un personnage très central dans mon existence et notamment dans mon engagement politique. Comme une boussole, un nord magnétique ». 

Après le lycée, c’est tout naturellement que vous vous orientez vers les sciences politiques ?

A.G « Après le lycée, en 1999, j’ai travaillé tout un été pour obtenir mon concours d’accès à Sciences Po. À ma plus grande surprise, j’ai été reçue.

La première année a été l’occasion de me confronter à un monde qui n’était pas exactement le mien. Beaucoup d’élèves venaient de la région parisienne, avec d’autres codes, une culture générale différente. 

Durant mes études, je pensais m’orienter vers l’aménagement du territoire, sur les questions d’urbanisme mais rapidement, avec un DESS urbanisme et aménagement en poche, je me suis spécialisée sur le développement social des quartiers. 

En parallèle, je collaborais avec des associations à la Villeneuve comme Sasfé qui œuvrait dans le domaine du développement culturel, créant du lien entre les quartiers avec pour objectif de mailler les quartiers entre eux au travers de la proposition culturelle. 

Cette expérience associative a été fondamentale pour moi. Elle s’inscrivait naturellement dans ce qui sera mon chemin. Là encore, au gré des rencontres, j’ai forgé de solides amitiés et tissé un réseau de militants, de bénévoles dont certains m’accompagnent encore aujourd’hui. Une expérience qui sera également le support de mon mémoire sur la Villeneuve, sur la participation des habitants, sur la question sociale, largement portée par Hubert Dubedout. Dans ce mémoire, j’abordais également les questions de démocratie participative dans les quartiers populaires.

Dans cette même période, j’ai été recrutée par la Ville de Grenoble comme agent de développement sur la Villeneuve, rattachée au service développement social des quartiers. 

Sur la démarche « Grenoble Sud : toute la ville en parle ». Michel Destot avait mis en place une grande consultation des habitants préalable au projet de renouvellement urbain. 

Cette fonction me plaçait au cœur du réacteur et en lien direct avec les idées que j’avais pu développer dans mon mémoire sur les questions d’innovation, ou je m’interrogeais à savoir comment il est possible d’envisager l’action publique autrement.

Deux ans plus tard, la ville de Grenoble me propose de rejoindre la direction générale en charge des solidarités et du projet de renouvellement urbain de la Villeneuve. 

Ce nouveau poste me rapprochait plus encore du dispositif, en prise directe avec les décisions municipales. Si j’étais très satisfaite de l’aspect concret de mon engagement, je le jugeais incomplet. Afin de le compléter, d’être encore plus au centre de l’action et de la réflexion, je décidais d’adhérer à la formation qui porte le mieux les valeurs qui m’animent : le Parti Socialiste. Le Parti socialiste comme une évidence quand il s’agit de justice sociale, d’émancipation, de lutte contre les déterminismes sociaux. Un Parti Socialiste qui faisait naturellement écho à mon histoire familiale, à l’engagement qui fût celui de mon grand-père ». 

C’est à partir de là que votre parcours associe chose publique et chose politique ?

A.G « Cela peut se dire de cette façon. 

Je tisse en effet des liens avec Olivier Noblecourt, alors directeur de cabinet du maire de Grenoble et lorsqu’une place se libère, je rejoins son équipe en tant que chargée de mission. Plus tard, sur le mandat 2008-2014, j’occuperai une fonction d’ajointe auprès de Thomas Royer, devenu alors directeur de cabinet de Michel Destot

En 2008, Jacques Chiron, qui cherchait une personne jeune et qui habitait sur le canton, me propose d’être sa suppléante lors des élections cantonales sur le canton Grenoble 4. Après une courte période de réflexion, j’accepte cette proposition. Le poste de suppléante comporte peu de risque de m’exposer davantage. Alors, pourquoi pas ?

En mars 2008, notre binôme gagne face à Max Micoud. Jacques Chiron siège dans la majorité, dans ce qui est encore le Conseil général de l’Isère, devenu Conseil départemental depuis la réforme territoriale ».

Jacques Chiron fait une promesse à Amandine Germain. S’il devenait sénateur, elle siégerait de plein exercice au Conseil général, présidé à l’époque par André Vallini. Amandine Germain ne rêve d’aucun destin particulier, poursuivant au quotidien la mise en pratique de son engagement dans les fonctions qu’elle occupe à la mairie de Grenoble. Mais le 25 septembre 2011, la prophétie prend la forme de la réalité. Jacques Chiron devient sénateur de l’Isère. Amandine Germain, à peine 30 ans et qui attend son premier enfant devient conseillère générale de la majorité Vallini. Pour la première fois, Amandine Germain est élue et prend pleinement conscience que son « mot à dire » devient une parole qui compte. Si le sentiment de fierté est présent, celui de la responsabilité l’accompagne, avec toute la rigueur nécessaire. Le tout dans une assemblée à l’époque très masculine, où siègent moins d’une dizaine de femmes, dont Brigitte Périllié, Gisèle Perez ou encore Annette Pellegrin et Amandine Germain, pour un total de 58 élus. 

A.G « Jusque-là, je connaissais les rouages et les enjeux de la mécanique municipale. Mais j’ignorais tout ou presque du périmètre départemental ». 

André Vallini la prend immédiatement sous son aile et l’invite à participer aux séances d’exécutifs, là où beaucoup de choses se jouent. Au Conseil départemental comme ailleurs, Amandine Germain ne badine guère avec les politiques sociales et compte bien faire entendre sa voix lors des arbitrages budgétaires tout en restant loyale à sa majorité, à sa famille politique. Installée dans ses nouvelles fonctions qu’elle compte accomplir de son mieux, Amandine Germain décide de quitter son poste à la Ville de Grenoble. C’est à ce moment que Jacques Chiron lui propose de devenir son attachée parlementaire au Sénat. Nouveau métier qu’elle exercera de 2012 à 2016 avant de quitter cette sphère pour donner vie à un projet professionnel qui lui tient à cœur depuis longtemps : Enseigner le Yoga.

En 2014, Amandine Germain figure sur la liste de Jérome Safar, héritier légitime de l’ère Destot. La succession semble mal préparée et personne ne voit arriver la victoire d’Éric Piolle, alors presqu’inconnu des Grenoblois.Les chiffres du premier tour, au soir du 23 mars sont sans appel. La liste conduite par Eric Piolle réalise 29,41% des suffrages. Celle de Jérome Safar 25,31%. Suivent ensuite les listes conduites par Matthieu Chamussy pour la droite et Mireille d’Ornano, pour le FN. Pour Amandine Germain, la sidération doit très vite céder place à la raison.

A.G « Les Grenoblois ont fait un choix. Il faut l’entendre et ce, immédiatement. A gauche, il y a des règles. Et l’une de celles-ci consiste à se ranger derrière le premier, quand celui-ci représente la gauche, bien-sûr.

A ce stade de la campagne, alors que nous sommes dans cette semaine de l’entre-deux tours, je défends fortement le projet qu’il faut se ranger derrière Éric Piolle. 

Les écolos n’avaient pas constitué une liste qui leur permettait de gouverner seuls. Il y avait beaucoup de novices dans leurs rangs. Eux-mêmes souhaitaient que l’on fasse « ticket » ensemble. Cette union des gauches aurait permis au Parti Socialiste de conserver une part importante des sièges du conseil municipal et l’histoire de Grenoble aurait pu continuer de se faire avec les Socialistes. A ce moment-là, il n’était en aucune façon question de se rallier en courbant l’échine. Ce choix de ne pas se rallier était et demeure encore incompréhensible. ». 

Malgré de nombreux appels l’intimant au ralliement, comme celui de Jean Marc Ayrault, premier ministre pour encore quelques jours, Jérome Safar décide de se maintenir. Ses équipes font campagne dans cette semaine de l’entre-deux tours mais le cœur n’y est plus. Le score du deuxième tour tombe à 20 heures, ce dimanche 30 mars 2014. Éric Piolle l’emporte avec 40,02% devant Jérome Safar à 27,45%.Éric Piolle étant parvenu à déclencher plus de 7000 voix supplémentaires entre les deux tours.  

En 2015, Amandine Germain sera élue à nouveau à son poste de conseillère départementale, mandat pour lequel elle sera réélue en 2021, cette fois dans l’opposition, le Conseil départemental ayant basculé à droite, Jean-Pierre Barbier sera élu président. 

Lors de la présidentielle 2017, Amandine Germain soutient fermement la candidature de Benoit Hamon.

A.G « Benoit Hamon porte un projet anticipateur, socialiste et écologiste. Une vision politique visionnaire qui correspond exactement à mon engagement à gauche. Il dépose des marqueurs forts, comme le revenu universel. Ces valeurs de vision et d’anticipation sont celles qu’attendent les électeurs de gauche. L’histoire du Parti Socialiste est historiquement nourrie de cette volonté d’innovation. Et les gens réagissent principalement sur cette question des valeurs ». 

Lors de la séquence des municipales 2020, Amandine Germain fait le choix de se mettre en retrait, ayant du mal à percevoir la stratégie d’Olivier Noblecourt. Éric Piolle, de son côté, l’approche afin de tenter de l’incorporer à sa liste, mais elle refuse, fidèle à ses valeurs et loyale au Parti Socialiste. Il en sera de même pour la législative partielle de janvier 2025 ou Amandine Germain percevra mal la lisibilité des couloirs de nage des uns et des autres alors même qu’elle croit que la première circonscription doit revenir à la sociale démocratie. 

Printemps 2025.

Aux premiers jours du mois d’avril, Amandine Germain gagne la primaire socialiste locale contre Maxime Gonzalez et devient cheffe de file pour le Parti Socialiste, prête à conduire une liste pour l’élection municipale 2026. Son programme : Un projet de transformation sociale, écologique et une rupture claire avec le système néo-libéral représenté par l’actuelle majorité présidentielle tout autant qu’avec le bilan, pour de toutes autres raisons, de l’actuelle majorité municipale sortante. Une transformation, radicale dans le projet, douce dans la méthode.

A.G « Nous, socialistes, ne pouvons ni ne voulons partager le bilan de la majorité sortante.

Le gros point noir de cette mandature est la manière de faire, la question démocratique.

Il faut rompre avec les mauvaises relations avec les institutions, avec les acteurs de la ville et les habitants. Il faut en finir avec cette méthode descendante et autoritaire, ou la concertation est devenue opposition et ou la démocratie participative est plus que relative.

Si le projet, je le répète, est radical, il faut néanmoins que la méthode soit douce, qu’elle soit en capacité d’embarquer tout le monde. Cette notion est totalement fidèle à mon engagement comme à mon parcours : Embarquer, fédérer, construire ensemble. Un projet pour Grenoble et pour la Métropole.

Fort de ce projet, les écologistes sont-ils prêts à écrire une page neuve, avec nous ?

Je lance un appel dans ce sens-là ».

Fort d’un parcours d’une vingtaine d’années dans la sphère politique, quelles sont les émotions qui vous animent ?

A.G « Paraphrasant Ségolène Royal, j’aime dire que ma colère et mon indignation sont intactes. 

La situation du monde, comme celle de chacune et de chacun, oblige à l’indignation. Sans indignation, on ne fait rien. Parallèlement, je suis émue par les trajectoires des gens. Les parcours me touchent. Le mien également, car rien n’était écrit à l’avance. Je suis fière de ce que j’accomplis et je reste exaltée par le chemin qui reste à parcourir. Car tout est là, et mon moteur est propulsé par cette volonté chevillée au corps que tout le monde peut et devrait participer à la décision publique ».

Ma colère et mon indignation sont intactes.

Amandine Germain

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