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ARKEMA: le sel de toutes les peurs

Alors que les sites Vencorex et Arkema sont menacés, Raphael Guerrero et Christophe Ferrari, maires de Jarrie et de Pont-De-Claix montent au front.

Par Sébastien Mittelberger

ARKEMA

Un joli nom, qu’on pourrait imaginer provenir de la Grèce antique. ARKEMA comme un prénom ancien. ARKEMA comme un nom de bateau qu’on relèverait dans un port de plaisance, en hiver, quand toutes les embarcations dorment aux anneaux. 

Mais l’actualité est plus sombre. ARKEMA est le nom d’un fleuron de la filière chimie du sud-grenoblois, spécialisé dans la production de chlore, de soudes diverses, et tout autant de chlorates et d’eau oxygénée. Produits utilisés dans nos usages quotidiens, loisirs et santé, bricolage ou dans les domaines de l’hygiène ou de la désinfection. 

Une filière, une plateforme chimie en grande souffrance puisque depuis le milieu du printemps 2024, des nuages lourds et sombres viennent obscurcirent le ciel du bassin sud-isérois. 

Le vent mauvais est venu de Vencorex, autre maillon de la filière, premier domino à trembler. L’intersyndical du site de Pont-de-Claix informe ses homologues du site ARKEMA de Jarrie que la trésorerie Vencorex est au plus mal et que leur usine est placée en redressement judiciaire. 

OCTOBRE ROUGE

Dès l’automne Vencorex n’approvisionne plus ARKEMA en sel, bloquant ainsi la production d’ARKEMA. Simultanément, la direction générale d’ARKEMA informe d’un plan social portant sur 154 collaborateurs sur 344. 

Depuis, le jour décroit et la nuit augmente sur les sites de Pont-de-Claix et de Jarrie.

Si Vencorex est aux abois financièrement, les chiffres présentés par ARKEMA sur leur site web incitent à l’optimisme le plus béat. 

Un CA de 9,5Mds€ désignant stabilité et progression, un flux de trésorerie courant de 419M€, une action en progression de 2,9%. Dans la foulée, la direction de Colombes (92) indique en janvier 2025, toujours sur leur site web, un recentrage de leurs activités dans les domaines de l’eau oxygénée et autres chlorates. En creux, ce recentrage explique, à défaut de justifier, une densification des activités tout autant que des effectifs.

R. GUERRERO ET C. FERRARI EN POLE

Dès les premiers frimas de l’hiver, Raphael Guerrero, maire de Jarrie et Christophe Ferrari, maire de Pont-de-Claix (et président de Grenoble Alpes Métropole), communes sur lesquelles sont implantés les deux sites industriels, se mobilisent sans relâche pour la préservation des emplois menacés. SI Vencorex est déjà sur le flanc, les salariés d’ARKEMA peuvent sans doute encore être sauvés. 

Les conversations sont ministérielles, les visio-conférences occupent ministres et directeurs de cabinets. Les échanges doivent être tantôt âpres, parfois constructifs bien que le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci semble plus proche de Beethoven par sa surdité que pour son génie musical

La négociation atteindra son point culminant le 4 février 2025 avec un rendez-vous d’une délégation de nos élus isérois à Matignon, en présence du premier ministre avec pour objectif de faire passer une proposition de nationalisation fût-elle-même partielle ou temporaire. 

FUCK

Mais lundi 25 février, dans un bref courrier à l’en-tête du premier ministre, la réponse est négative. Il n’y aura pas de nationalisation et il faudra peu compter sur Matignon pour un accompagnement à la recherche de repreneurs. Le courrier en profite pour assurer à nos élus qu’ils seraient attentifs au volet environnemental, à la reconversion et à la qualification SEVESO des sites, des fois que ces aspects aient échappés à nos deux édiles. 

Il est possible d’y voir aussi une façon courtoise d’évoquer l’après plan social, voire….

WARM UP

Mais Paris a mal jaugé la pugnacité de nos élus. Ce retour épistolaire n’entame en rien la détermination de nos responsables politiques, qui dès la réception du courrier signé de François Bayrou, ont contre-attaqué avec le dessein d’une proposition de loi.

Les voilà à nouveau tous réunis jeudi 27 février autour d’un écran, élus locaux et directeurs de cabinets parisiens, ces derniers reconnaissant avoir dégainé un peu rapidement une fin de non-recevoir avant d’avoir exploité toutes les hypothèses. 

Le rendez-vous du 4 février n’était pas celui de la dernière chance mais une première cartouche. 

TEAM ARKEMA : LE GRAND SILENCE

La cartographie diplomatique de cette affaire, ce grand échiquier social, constitué de joutes entres élus solidaires montant au filet et cabinets ministériels renvoyant les balles uniquement du fond du cours comportent des trous dans la raquette. Ceux des dirigeants de ces entreprises, une direction en forme d’armoire électrique, peuplée uniquement de fusibles, sourds et presque muets, spectateurs d’un match ou la volonté est de participer à minima au destin de ce qui leur appartient pourtant encore. Silence tout aussi assourdissant d’un Patrick Martin, président national du MEDEF, dont il serait pourtant dans son rôle, que de prendre la parole et défendre une filière en souffrance.

« IMPOT DE DEPART »

Car si les emplois d’ARKEMA devaient être sauvés, c’est bien grâce à la détermination de nos seuls élus locaux, Raphael Guerrero et Christophe Ferrari en proue de ce navire et peut être grâce à la volonté du gouvernement de ne pas transformer ce paquebot industriel, implanté depuis des décennies sur notre territoire en un Titanic économique et finalement un Radeau de la Méduse social. 

Car si les projets voulus par nos élus aboutissent, c’est bien de l’argent public qui sursoira aux défections de ceux, qui, de Colombes, dessinent des « recentrages d’activités » en gommant les fiches de paies de 154 salariés et autant de familles, plongés ainsi dans la précarité de leur présent et l’incertitude de leur avenir. 

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