Si notre territoire est témoin des grandes difficultés que traversent notre industrie avec les exemples d’Arkéma, de Vencorex et plus récemment de Teisseire, liées à la mondialisation souvent, aux volontés trop récentes de recourir à une Europe et une France souveraines face aux hégémonies chinoises et américaines parfois et à un libéralisme hors de contrôle même au sein de l’union européenne, toujours, on peut observer que des filières comme le BTP, secteur principalement lié à la commande publique, mais également l’automobile ou encore l’immobilier sont durement impactés. Dans cette époque troublée ou le denier public se raréfie, ou les baisses des subventions de l’État diminuent année après année dans des proportions toujours plus significatives, percutant toutes les strates de notre société, du monde économique au monde associatif, la sphère culturelle n’est évidemment pas épargnée au point de constater la fermeture d’événements majeurs comme la Fabrique Opéra ici ou le Festival International de la Bande Dessinée (FIBD), pourtant ouvert depuis 1974 et dont les organisateurs ont annoncé jeter l’éponge pour l’édition 2026. Pourtant, des acteurs et des actrices en responsabilités d’équipements culturels mettent toute leurs énergies à conserver leurs boutiques bien au-dessus de la ligne de flottaison. Céline Kopp, directrice Centre National d’Art Contemporain (CNAC) est une parfaite illustration de ce que sont ces soldats de la culture, qui livrent bataille pour que vive la culture sous toutes ses formes. Le CNAC est un équipement singulier. Son histoire en atteste. Il y a bientôt cinq ans, notre rédaction avait déjà croqué un portait assez fidèle de la trajectoire particulière de ce lieu nommé localement le « Magasin » et dont la première destination était de fabriquer des obus, durant la première guerre mondiale. L’article, rédigé en mars 2021 disait ceci :
« 4 directrices et directeurs ont officié au CNAC, de 1986 à aujourd’hui (en 2021). Le premier fut Jacques Guillot de 1986 à 1989. C’est lui qui inaugurera le site aux côtés de François Léotard, alors ministre de la Culture et d’Alain Carignon, maire de Grenoble (1983-1995), au printemps 86. Hélas Jacques Guillot devait disparaître prématurément 2 ans plus tard. Il est d’ailleurs décédé dans les locaux du CNAC. Lui succéda Adelina de Fürstenberg citoyenne helvétique qui dirigea la boutique de 1989 à 1994. Mystérieuse et allumée, confondant à l’excès les ressources du magasin et son compte bancaire personnel. La cour régionale des comptes l’épingla largement sur ses dépenses, jugées inappropriées. Une enquête du SRPJ de Grenoble et une mise en examen auront raison de sa gouvernance. Elle retournera en Suisse, comme une duchesse en exil. Puis ce fut au tour d’Yves Aupetitallot de prendre les rênes du CNAC de 1994 à 2014 ou 2015, l’approximation des dates s’expliquant par l’opacité du moment précis de son solde de tout compte. Détesté par ses collaborateurs, paranoïaque, accusé de harcèlement par certains et certaines de ses employés, gestionnaire confus, dépressif et désabusé il sera finalement remplacé par Béatrice Josse en mars 2016. Le CV de la dame est épais : plus de 20 ans à la tête de Frac Lorraine (Fonds Régional d’Art Contemporain), diplômée de l’école du Louvre, tout de même… Mais voilà, Béatrice Josse est obsédée par son engagement pour la cause féminine et elle décide d’orienter la fonction première de l’établissement en zone d’intermédiation où il semble que l’homme blanc hétérosexuel ne soit pas le bienvenu. A l’origine le projet était magnifique, les partenaires prestigieux et l’objectif de faire rayonner Grenoble partout dans le monde grâce à l’audace culturelle semblait une ambition louable, accessible et totalement en phase avec l’appétit de Grenoble. Bien étrange maison pourtant que l’on pourrait croire hantée et dotée d’un vortex en son centre tant presque tous ceux qui l’ont dirigé finissent par dérailler de façon presque clinique et où une partie majeure des collaborateurs sont en arrêt maladie ou en grève, on ne sait plus très bien. Conjointement, au temps où il faudra certainement recruter une nouvelle directrice ou un nouveau directeur, le passage préalable d’un exorciste n’apparaît pas comme étant superflu et sans doute plus judicieux qu’un cabinet de recrutement ». (cf La Quinzaine 4, mars 2021. S.M.)
Aux premiers mois de 2022, Céline Kopp prenait la direction du CNAC. Tentant de réussir sur les deux tableaux : Replacer le CNAC comme un pôle de référence de l’art contemporain et faire en sorte que la maison soit stabilisée en interne ; en creux, redonner ses lettres de noblesse à cette maison si souvent chahutée. Premier succès, la soirée de réouverture post COVID, qui se déroula au CNAC le 18 novembre 2022, accueillant 1500 personnes. Toutes les forces vives de Grenoble et des territoires alentours étaient présentes. Les personnalités politiques comme les acteurs et les actrices de l’économie. Preuve manifeste que le CNAC était, aux yeux de toutes et tous, un poumon inspirant de la vitalité culturelle de Grenoble. Suivirent des expositions au rayonnement national et international comme celle de Julien Creuzet, artiste protéiforme et multisensoriel qui, à l’issue de son passage au CNAC de Grenoble, représentera la pavillon Français de la biennale de Venise (300 artistes pour 88 nations représentées). Celle de Ufuoma Essi, vidéaste et réalisatrice londonienne dont les œuvres, après Grenoble, rejoindront le MoMA, à New York. Actuellement, les visiteurs peuvent admirer l’exposition « Parodie » qui regroupent les œuvres créées par Julie Béna entre 2015 et aujourd’hui et dont le vernissage a rassemblé plus de 1200 visiteurs. Le CNAC remplit donc sa mission d’excellence avec un bilan artistique d’exception et une reconnaissance qui va bien au-delà de notre Dauphiné.
Mais en deçà de l’élévation proposée par des personnalités qui veillent farouchement à l’héritage du concept culturel Malraux-Lang, les turpitudes internes demeurent tapies dans les ombres du quotidien et on peut lire dans la presse les maux de vivre de certains collaborateurs et collaboratrices. S’il n’est pas question d’en faire fi et de balayer leurs tourments d’un revers de manche, notons que ces malaises, qu’il ne faut d’ailleurs ni minimiser ni surpondérer, ne sont-elles pas à l’image de notre société ou la valeur travail n’a plus la place qu’elle pouvait avoir naguère et ou celles et ceux qui ont fait le choix d’épouser des carrières en lien avec les secteurs culturels ou artistiques ont pensé surement se soustraire aux règles de pénibilités en vigueur dans la globalité du monde du travail. Même si ce monde-là, celui de l’art, de la culture, à ses exigences professionnelles, l’environnement proposé par la présence d’artistes et de visiteurs amoureux d’art doit probablement être plus valorisante que de travailler dans l’industrie chimique ou agro-alimentaire.
La presse et les syndicats s’empourprant de mots dans « l’esprit du temps », pas celui d’Edgar Morin mais plus celui de l’Union Syndicale Solidaire ou Sud Culture Solidaires ou il est fait usage de vocables tels que harcèlement, maltraitance, de violences au travail, de violences institutionnelles systémiques ou encore d’agresseurs pour désigner selon eux un Goulag assez éloigné d’un pôle de référence culturel. Si le bien être au travail doit être une priorité et nul doute qu’il puisse en être autrement pour Alice Vergara, présidente, Céline Kopp, directrice générale, ou encore Jérome Maniaque, trésorier, les collaborateurs et collaboratrices devraient avoir à cœur de se mobiliser autour de ce bien commun qui veille, comme tant d’autres à maintenir chaque jour la survie de ces fleurons de la culture au sein de nos territoires, pour le bonheur, pour la joie de tous. Car, comme évoqué plus haut, ce monde du savoir et de la connaissance est de plus en plus menacé par les restrictions budgétaires et les arbitrages qui en découlent.
Gageons que tous les acteurs de ces filières, collaborateurs et organisations syndicales, maillons essentiels de cette chaine irremplaçable, sauront revenir au plus élémentaire des bons sens dans l’objectif de pérenniser cette exception culturelle qui participe à la fierté de notre pays. Céline Kopp, quant à elle, pourra voguer vers d’autres aventures le pied léger et l’âme sereine. Elle a parfaitement honoré sa mission de s’engager pleinement au rayonnement de notre territoire, comme auprès du monde entier et de cela nous devons la remercier.
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