CHRYSALIDES ET PAPILLONS
Grenoble Capitale Citoyenne s’est d’abord embourbée dans un Viêt-Nam politique. Cette confusion entre politique et superposition des collectifs laisse à terre le vice-président métropolitain, en charge de la culture. La jonction de son collectif Camp de base citoyen avec le Faces de Romain Gentil, annoncée le 26 mars lors d’une conférence de presse ou il était alors uniquement question de programme et de concertation citoyenne n’est pas parvenue à se soustraire à l’indispensable tyrannie de la désignation du leadership. La concertation, cette vieille cousine de la politique, qui tend à faire croire que la démocratie participative peut bloquer les ambitions individuelles au profit de vanités collectives n’a rien départagé naturellement. En mai, c’est au tour d’Équinoxe, jeune formation politique de shifters jancovicistes, pronucléaires, appuyés sur la science plus que sur le dogme et forts de leur score lors de la législative partielle de janvier 2025 (7,60%) de rejoindre G2C. En cette époque-là, la boutique Gentil-Clouaire affichait complet et il n’était pas incongru de croire qu’ils pouvaient parvenir à représenter cette alternance de gauche. Inévitablement et dès les premiers jours de l’été, la bataille du leadership prenait le pas sur le programmatique. A cette discipline qui consiste à transformer les collectifs en incarnations et les courants d’idées en partis politiques, Romain Gentil, méthodique et organisé, s’appuyait sur son adhésion à Place Publique, posant même pour un selfie avec Raphaël Glucksmann lors d’une rencontre Drômoise. La démarche est efficace et intelligente. Romain Gentil, déjà très typé « société civile » a compris que s’adosser à un parti politique était indispensable à la suite des événements. Ce même parti devait le désigner co-chef de file, accompagné pour cet attelage de Barbara Schuman. Pascal Clouaire, témoin impuissant d’une ligne politique qui n’était plus la sienne, sans garantie que G2C ne finisse pas par être aspiré in fine par la toute-puissance des listes provenant de la majorité sortante et d’un Parti Socialiste tolérant aux sirènes de Laurence Ruffin, décidait aux derniers jours d’août de jeter l’éponge avant la date de désignation du chef de file. Au soir du vendredi 5 septembre, Romain Gentil était élu seul maitre à bord de G2C, quand Valentin Forand indiquait plus tard la jonction entre G2C et Place Publique. Le Parti Radical de Gauche vient compléter.
AL LOTO, TICKET PERDANT.
Le 4 septembre, nous apprenions via la plume de l’excellent Florent Mathieu (Place Gre’Net) la rupture entre Place Publique et le duo Alloto-Agobian, ces deux-là rompus aux ruptures de tous ordres. Car en deux ans, Maxence Alloto s’est autorisé de quitter la majorité municipale d’Éric Piolle en juillet 2023, de rompre avec Pascal Clouaire ensuite, adhérant par la même occasion à Place Publique en avril 2024 pour finalement quitter ce mouvement aux premiers jours de septembre 2025. En cause, selon lui (eux) la tendance de Place Publique à « faire du Macron nouvelle version » et de pointer du doigt les « valeurs de clientélisme et d’auto-centrage ». Plus localement, Maxence Alloto met en cause les référents locaux. Il doit s’agir sans doute de Romain Gentil et Barbara Schumann, co-chefs de liste grenoblois. Valentin Forand fait-il partie des nominés, c’est ignoré. Mais plus loin, écumant de son courroux, Maxence Alloto s’en prend enfin à Christophe Ferrari, maire de Pont-de-Claix et président de Grenoble Alpes Métropole dont l’adhésion à Place Publique n’aurait pour objectif que de peser sur les élections à venir. Il serait bien étrange d’imaginer que ce dernier, maire d’une commune importante et président d’une métropole de près de 450 000 habitants, ne se sente en rien concerné par les échéances électorales à venir. A conclure, rappelons que Maxence Alloto quitte un parti alors qu’il était depuis le mois de mai sous le coup d’une suspension de ce même parti.
STAYING LIVE
Émilie Chalas, déterminée à vouloir rassembler les centres et de représenter un couloir de nage, idéalement immatriculé Renaissance, montre encore qu’elle compte bien peser, elle aussi, dans la séquence électorale. Si la pugnacité de l’ancienne députée de l’Isère n’est jamais à prendre à la légère tant sa capacité à ne rien lâcher est chez elle constituante, les hypothèses comme les incertitudes demeurent à son sujet.
L’hypothèse Alain Carignon.
Si elle s’était décidée plus tôt, cette possibilité aurait pu consolider la campagne de l’ancien maire de Grenoble en lui apportant un réservoir de voix. Cela aurait pu également étoffer la liste de l’ancien ministre mais pas sûr que les instances parisiennes de Renaissance laissent leur déléguée départementale s’associer avec cette droite-là.
L’hypothèse Renaissance
L’hypothèse d’une liste autonome Renaissance, conduite ou pas par Émilie Chalas demeure de moins en moins probable tant ce couloir de nage semble se restreindre de jour en jour. Avec une liste Place Publique-G2C qui se profile avec Romain Gentil et Hervé Gerbi qui gagne du terrain dans le même temps avec son Contrat de Rassemblement et Horizons, fédérant les centres, modérés par nature, la place dédiée au parti de la majorité présidentielle, malmenée par ailleurs par les tumultes nationaux devrait avoir de plus de mal à trouver un écho et plus encore un socle électoral. Mais il peut encore planer la possibilité d’une liste Renaissance-Modem. Mais avec quelle ligne politique ? Avec quel électorat ?
L’hypothèse Hervé Gerbi
Lors d’une de ses dernières prises de parole, au micro de Place Grenet, Émilie Chalas indiquait « travailler en grande intelligence avec Hervé Gerbi ». Une déclaration qui sans être totalement un appel du pied, peut ressembler à la possibilité d’une ile. Alors Émilie Chalas va-t-elle rejoindre Hervé Gerbi et participer de son apport significatif à cette énergie centrale et populaire ? L’hypothèse est crédible et séduisante sans être contre nature, tant des passerelles peuvent exister entre Renaissance et Horizons quand on se souvient qu’Édouard Philippe a été le premier ministre d’Emmanuel Macron, dans une séquence ou la France souffrait pourtant de grands tourments (crise sanitaire)
BARYCENTRE
Hervé Gerbi, en pilote habile revient en force dès la fin d’août avec son « Contrat de Rassemblement » et invite les modérés à le rejoindre avec cette volonté de rigueur tout autant que son refus absolu des radicalités, et il faut bien constater que la formule séduit. Bingo puisque le 26 août, Loïck Roche ouvre le bal des ralliements, suivit la semaine suivante par l’arrivée d’Hakima Nécib (Demain Grenoble). Au-delà du volet programmatique, son ouverture est une réalité quand une partie de cette subtilité se niche dans cette accumulation des centres, Hervé Gerbi préférant additionner à ses côtés des personnalités de droite et de gauche que de se soumettre au fantasme prophétique du Ni droite, Ni gauche. Jusqu’ici, Hervé Gerbi, tête de liste Horizons, réalise un sans-faute et ceux, qui hier, voyaient en lui un outsider pratiquant une course en solitaire reconnaissent qu’il représente aujourd’hui une des principales forces en présence pour la course aux élections municipales de 2026.
HIGHLANDER
Alain Carignon n’a guère profité de la trêve estivale pour un quelconque repos. Toujours sur le pont, chaque jour sur tous les fronts, arpentant à pied ce Grenoble qu’il connait si bien, avec la fraicheur et la détermination que tous et toutes lui reconnaissent. Dans les rues de la ville comme sur les réseaux sociaux, ses équipes sont omniprésentes, tantôt douces, tantôt radicales. A ses côtés, des fidèles comme Clément Chappet et Thierry Aldeguer mais également des nouveaux venus comme Anouchka Michard ou Guillaume Josserand, autant d’acteurs et d’actrices qui ne ménagent pas leur temps comme leur peine pour promouvoir leur vision de Grenoble auprès d’un homme dont l’expérience et son amour de Grenoble ne sont plus à démontrer. Le 19 septembre, Alain Carignon et son collectif Réconcilier Grenoble inaugurera son local de campagne et ce moment sera une réussite populaire, n’en doutons pas. Nul doute également que sa fougue électorale et sa foi en Grenoble le placera aux avants postes des deux tours, les 15 et 22 mars 2026.
DE OUI OUI A SHAKESPEARE
La récente interview de Laurence Ruffin dans l’hebdomadaire Les Affiches semblait la désigner comme (presque) tête de liste. Car il serait bien étonnant qu’une telle communication, (trois pages et la couverture) dans cette publication locale à la neutralité helvétique légendaire et assumée, ne soit pas une annonce à peine masquée de son leadership. Laurence Ruffin, toujours présentée comme dirigeante de la scope ALMA, sœur de François Ruffin, créature d’Éric Piolle, la seule qui peut faire campagne pour le compte de la majorité sortante sans être comptable du bilan des deux mandats d’Éric Piolle. Mais cette surexposition médiatique était prématurée. S’ériger ainsi en leader avant la date de désignation lui fait prendre le risque de déclencher les hostilités en interne. Un risque qui n’a pas manqué de survenir puisque Lucille LHEUREUX, elle-même candidate au rubicond, se repend dans la presse et auprès des instances nationales d’EELV afin de fustiger les « pressions » dont elle serait la victime et Éric Piolle le bourreau. Ce dernier l’enjoignant à retirer sa candidature au profit, on l’imagine, de Laurence Ruffin et si possible avant la primaire du 21 septembre. Sur ce point Allan Brunon a raison de dire que « les primaires sont des machines à rancœur ». Toutes les formations politiques qui se sont mesurées à cet exercice périlleux n’ont généré, sous le couvercle d’un simulacre démocratique, que la création de haines entre des alliés, des camarades de luttes, parfois des amis. De ce constat fratricide, l’orchestre EELV local ne fera pas exception et plus loin, il est possible d’imaginer Marine Tondelier, ennemie mortelle d’Éric Piolle, se délecter d’un tel raffut. Car le succès de l’actuel maire de Grenoble à réussir ou pas sa succession aura forcément une incidence sur le poids qu’il pèsera sur la primaire EELV pour la présidentielle de 2027. En semant ce désordre, Lucille Lheureux est consciente qu’elle participe à une confusion plus large encore. Toutefois, pour ce scrutin interne ou militants Écolos, Génération.s, Parti animaliste et plus nébuleusement des associations et des collectifs engagés peuvent participer, le lobbying local sera décisif et à cette discipline-là, Lucille Lheureux n’est peut-être pas la candidate la plus en retard, ni la moins douée. De ce tourment, Éric Piolle est le seul responsable. Coupable d’avoir voulu imposer que la politique devait se faire « autrement » quand chacun sait que les révolutions finissent toujours par dévorer leurs propres enfants et que la politique version Oui oui se termine invariablement par celle du Non non. A regretter toutefois que celles et ceux qu’un roi a fait un jour duchesses et barons soient à ce point frappés d’amnésie et de tant d’ingratitude. Éric Piolle, comme le Roi Lear au soir de son règne, devra peut-être regarder « ses filles » s’entretuer à l’héritage du royaume.
BORN TO BE ALIVE
Amandine Germain tient la boutique du Parti Socialiste et elle ne compte pas faire de la figuration lors de l’échéance municipale à venir. Car la cheffe de file socialiste et très probablement tête de liste a réglé le sujet du leadership depuis sa victoire à la primaire PS, début avril face à Maxime Gonzalez. Mais Amandine Germain, au-delà de renvoyer des scuds aux missiles des Insoumis par voie de presse, travaille à sa liste et à son programme. Un programme orienté vers l’apaisement et la prise en compte du soin des individus qu’une collectivité se doit d’offrir à ses habitants. Mais alors que la clepsydre se vide, la candidate doit encore faire face à des défis cornéliens. Si Amandine Germain est compatible avec la ligne d’Olivier Faure, encline aux alliances, celle des électeurs typés PS grenoblois sont plus proches de celle de Nicolas Mayer-Rossignol et des orphelins de Solférino, courant qui lors de la primaire nationale de cet été avait donné, à Grenoble les deux tiers des suffrages à ce dernier. Autre point de bascule pour Amandine Germain : savoir si le vaisseau PS doit tanguer du côté de Laurence où demeurer autonome, voire s’allier à la liste Place Publique, envisageable depuis que l’arrivée de Romain Gentil dans le panorama électoral lui a donné corps. Des équations et autant de calculs savants auxquels la conseillère départementale et cheffe de file du Parti Socialiste grenoblois devra répondre. Les ogres de la maison Jean Pain n’ont qu’à bien se tenir, Amandine Germain est sincère et déterminée, elle ira jusqu’au bout.
TERMINATOR
Allan Brunon emploie une partie sa fonction de co-chef de file des Insoumis à imposer le glossaire de la radicalité. Ses cibles sont pour le moment destinées à Romain Gentil, dont il fustige la mollesse de sa gauche, à Amandine Germain dont il raille le positionnement, à EELV dont il ne reconnait ni héritage, ni avenir commun, et enfin à Alain Carignon, dont il fait son principal adversaire. Pour cette campagne électorale, LFI, au travers du son de sa voix et de celle d’Élisa Martin annoncent la couleur : C’est bien la fin des radicalités douces. Mais Allan Brunon, du haut de ses 26 ans et de son parcours politique déjà bien capé, entend bien prendre cette campagne à bras le corps et forcer les autres forces en présences, notamment EELV, à se soumettre. Les Insoumis pourraient bien profiter des mouvements sociaux et des blocages prévus partout en France pour tirer une épingle décisive d’un jeu qui l’est tout autant en créant une caisse de résonnance qui impactera les élections municipales de 2026 comme les législatives de 2027. Cette forme de radicalité politique, ce gout à bouger les lignes, presque « quoi qu’il en coute » ne peut en aucun cas ne pas faire partie d’une stratégie plus globale, orchestrée bien évidemment par le maestro Jean-Luc Mélenchon. La France Insoumise appelant à toute forme de rupture. Et à ce menu, tout est bon. Mouvements sociaux, blocages, renversement du gouvernement, dissolution de l’Assemblée nationale avec pour objectif final et presqu’au-delà d’une prise du pouvoir, la révision de la constitution, afin de passer de la cinquième à la sixième république, qui reste le vœu central de la sphère mélenchoniste. Aux dernières nouvelles, une liste autonome aurait été validée par LFI Grenoble. Reste encore à désigner, certainement en cette fin de semaine, la tête de liste qui conduira les Insoumis pour les municipales grenobloises.
TOTAL RESPECT
Il y a eu les temps des collectifs, celui des chefs de files, celui de l’arrivée des formations politiques. Désormais, le temps des incarnations est venu et la fin du mois de septembre apportera sans doute plus de clarté. Chacun de ces candidates et candidats et ce jusqu’au premier tour pour certains, un de plus pour d’autres, auront mis leurs vies personnelles et professionnelles entre parenthèses, négligeant parfois jusqu’à leur santé, leurs familles pour se présenter devant les urnes, avec pour tous et toutes une volonté de faire évoluer les règles, pour le bénéfice des citoyens. Devant ce courage qui force le respect, cette détermination à poursuivre cette route, comme une mission, un sacerdoce et au-delà des personnalités qui composent ce panorama des élections municipales à venir, des clivages, des alliances inévitables, louons l’engagement, la volonté de toutes celles et ceux qui choisissent de ferrailler pour l’intérêt général et pour se faire, de se confronter à la volonté des électeurs.
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